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Mais moi je voulais voir le vrai !

  • Photo du rédacteur: Caroline
    Caroline
  • 8 mai 2022
  • 8 min de lecture

Dernière mise à jour : 12 oct. 2024

Dans cet article, j’ai envie d’évoquer un sujet qui me tient particulièrement à cœur et sur lequel je peux vite mordre quand on me cherche un peu. Il s’agit de la thématique des doublures.


Une doublure, c’est quoi ?


A cette question, ma réponse favorite est « ce sont les super-héros du monde du spectacle». Une doublure est un.e artiste qui a été engagé.e dans la troupe, sur un rôle secondaire, ou sur un rôle d’ensemble, mais qui est également préparé.e à endosser un ou plusieurs autres rôles en cas de besoin.


Donc les doublures sont toujours dans le spectacle quoi qu’il arrive ?


Pas forcément. Il y a plusieurs situations. Sur les spectacles anglosaxons, il existe 3 types de doublures :

- Les stand-bys (abrégé s/b): sont des artistes qui vont doubler généralement des rôles principaux de grande envergure, souvent très demandants physiquement et/ou vocalement. Ces artistes ne sont pas sur scène tous les soirs, même dans l’ensemble. Ils sont présents en coulisses le temps du spectacle, au cas où un pépin arrive pendant le show et qu’ils doivent remplacer au pied levé le titulaire. Exemple : les rôles principaux de Wicked (Elphaba et Glinda) ou Satine dans Moulin Rouge. Parfois, les stand-by ont un jour fixe dans la semaine où le titulaire leur laisse la place. Ce sont également eux qui sont en première ligne pour remplacer le titulaire lors de vacances ou de maladie. Dans le West End, ils ont parfois le statut d’ alternates (abrégé Alt).


Danny Burstein, Ashley Loren et Tam Mutu

Ashley Loren dans le rôle de Satine - Moulin Rouge, New York


- Les understudies (abrégé u/s): sont des artistes qui vont doubler un rôle principal ou secondaire (parfois les deux), mais qui ont un rôle dans l’ensemble quoi qu’il arrive et sont sur scène tous les soirs. Il est possible d’avoir pour un même rôle un stand-by et un voire deux understudies (typiquement, c’est souvent le cas pour le rôle d’Elphaba). Statistiquement, si il y a un stand by pour un rôle, l’understudy aura moins de chances de doubler le rôle en question.


Et quand l’understudy est sur scène, quelqu’un prend sa place ?


- Tout à fait, c’est là qu’entrent en scène les swings, capables de remplacer n’importe quel membre de l’ensemble. Eux ne sont pas forcément sur scène tous les soirs.


Et en France c’est pareil ?


Pas exactement, on n’a pas vraiment ce système à 3 niveaux, c’est un peu plus simple que ça. Sur les gros spectacles « commerciaux » avec saison à Paris puis tournée en France et tout le toutim (Roméo et Juliette, le Roi Soleil, Mozart, etc jusqu’aux plus récents), on est sur le principe de l’understudy ou du stand by selon les spectacles. Les doublures sont sur scène dans des rôles d’ensemble ou parfois de simple figuration, voire pas du tout. Le concept de swing n’existe pas. Sur les spectacles de Stage Entertainment, les doublures sont des understudies et des swings reprennent leur place quand ils jouent.



Fanny Fourquez et Florian Etienne

Fanny Fourquez dans le rôle d'Octavie - Cléopâtre, la Dernière Reine d'Egypte, Paris


Du coup, quand on voit une doublure, c’est moins bien que quand c’est le vrai ?


C’est l’idée reçue pour beaucoup de monde, souvent ceux qui ne connaissent pas bien le monde de la comédie musicale.


Première remarque : il n’y a pas de « vrai» ou de « faux », aucun performer n’est en plastique, ce sont tous et toutes des artistes entraînés et talentueux (sinon ils n’auraient pas été choisis).

Deuxième remarque : si il n’y a pas de doublure, il n’y a pas de spectacle. Quand le rôle titre tombe malade (ce ne sont pas des robots mais des êtres humains, ça peut arriver), sans doublure, il n’y a pas d’autre solution que d’annuler la représentation. Ca s'est particulièrement vu lors de la période post-Covid, où avec les isolements, bon nombre de shows auraient été annulés sans doublure pour remplacer au pied levé.

Troisième remarque : il n’y a pas de mieux ou de moins bien, seulement des interprétations différentes (sauf dans le cas où l’un des deux a été choisi plus pour sa plastique ou sa notoriété que sa voix et ne sait clairement pas chanter juste et/ou jouer mais c’est un autre débat). L’expérience me fait dire que souvent la doublure, ayant la pression supplémentaire sur les épaules de ne pas être « le/la vrai.e », va chercher à légitimiser sa présence sur scène et se démarquer vocalement à grand renfort de riffs inédits pour prouver ses qualités, ce qui, personnellement, me réjouit particulièrement.


Pour ce qui est de l’interprétation, elle est propre à chaque artiste. Il est toujours très intéressant de voir une autre version d’un personnage. Il arrive qu’on ne soit pas d’accord avec cette interprétation mais c’est un ressenti subjectif, ça n’enlève rien à la qualité de la performance. J’ai quantité d’exemples où j’ai largement préféré la version de la doublure à celle du/de la titulaire : Fanny Fourquez en Octavie (Cléopâtre), Mike Lee en Clopin (Notre Dame de Paris), Ashley Loren en Satine (Moulin Rouge !) ou encore Vicki Manser en Anne Boleyn (Six), à tel point que j’ai réservé un week end entier à Londres un week end où je savais que Millie O’Connell était en vacances pour être sûre de voir Vicki. Ca ne veut pas dire que je n’aime pas les titulaires de ces rôles hein (quoique … Ca dépend ^^), simplement que leur version me parle moins. A contrario, certaines performances de doublures m’ont moins convaincue et parfois même, sur un même rôle, j’ai mes préférences selon les chansons; par exemple, sur Everybody’s talking about Jamie, j’adore l’énergie de « And you don’t even know it » de John McCrea mais c’est Luke Bayer qui me fait pleurer sur « Ugly in this ugly world ».




Vicki Manser

Vicki Manser dans le rôle d'Anne Boleyn - Six, the Musical, Londres



Oui mais si je paye une place de spectacle, c’est pour voir les titulaires !


Alors non, justement. On paye un ticket pour aller voir « Robin des Bois » et pas « M.Pokora dans le rôle de Robin des Bois », on paye pour un spectacle et non un interprète. Aller voir un spectacle juste pour un artiste est un pari risqué parce qu’il y a toujours la possibilité que l’artiste en question ne soit pas là. Alors bien sûr que ça se tente, on l’a tous fait et moi la première. Plusieurs fois, j’ai pris une place pour un spectacle que je n’aurais pas forcément été voir si un artiste n’avait pas été dedans. Alors parfois ça marche et c’est ainsi que j’ai pu voir Idina Menzel dans If/then, et parfois c’est loupé et c’est comme ça que j’ai vu Assassins sans Aaron Tveit alors que j’y allais pour lui. Le tout est d’être conscient.e du risque qu’on prend en achetant la place et de l'accepter. Tu veux être sûr.e de voir X ou Y ? Tu prends une place pour son concert solo et pas pour une comédie musicale dans laquelle il/elle joue.


Certains spectacles ont fait le choix de prendre une tête d’affiche connue, comme les deux exemples cités précédemment de M.Pokora dans Robin des Bois ou Idina Menzel dans If/Then. L’inconvénient principal de ce système est un tollé en cas d’absence de leur part, un déferlement de haine pour leur doublure (quand ils ont la chance de pouvoir jouer, je crois que ce pauvre Florent Torres n’a dû jouer Robin qu’une seule fois), et pour les spectacles anglosaxons, le risque de voir le spectacle fermer lors de la fin du contrat de la tête d’affiche.


Oui, les titulaires ont la pression de jouer le rôle principal jusqu’à 8 fois par semaine, avec parfois celle de créer un rôle, mais les doublures doivent apprendre un rôle d’ensemble, plus un voire plusieurs rôles principaux, doivent avoir la peau assez dure pour affronter toutes les critiques où le principal reproche qui leur est fait est de ne pas être untel ou untel et surtout, doivent être capables de reprendre le rôle à n’importe quel moment. Quand tu joues un rôle une fois de temps en temps, et qu’à l’entracte, on te dit « le titulaire ne peut pas aller au bout, tu as 15 min pour te préparer », il faut avoir un sacré mental et avoir travaillé comme un dingue en amont pour être opérationnel dans ce délai. Mention spéciale aux alternates de Six à Londres, qui ont chacune appris les SIX rôles, avec à chaque fois, les lignes de dialogue, les déplacements, les harmonies et tout ça.


Ce qui me fend le cœur à chaque fois, c’est le nombre de personnes qui vont se faire rembourser leur ticket quand ils apprennent que le ou la titulaire sera absent.e à une performance. En France, c’est quelque chose qui n’est pas possible mais à Broadway,ça l'est. En théorie, ça n'est possible que si le nom de la "star" est mentionné avant le titre du spectacle (par exemple "Hugh Jackman - The Music Man") et qu'iel est off. Dans les faits, les américains remboursent bien plus facilement les billets de spectacle qu'en France. De la même façon, annoncer les dates de vacances des titulaires sur le site web du spectacle est une chose, mais voir « merci de noter qu’à cette performance, le rôle de Satine ne sera pas interprété par Karen Olivo » au moment de réserver sur Ticketmaster me gêne un peu. Alors d’accord, ça évite justement ces remboursements de dernière minute que j’appelle « remboursements de la honte » tellement je trouve le procédé scandaleux mais ça renforce cette idée qu’on va voir un artiste et non un spectacle et que la doublure a moins de valeur ou de talent que le.la titulaire. Idem quand les places sont vendues moins chères sur les séances où c'est la doublure qui joue.


Quand on fait le pari d’aller voir un show pour un artiste et qu’on perd ce pari, on a le droit d’être déçu, bien évidemment. Juste après avoir booké mon ticket pour Moulin Rouge !, j’avais dit sur le ton de l’humour que vu le prix du billet, si Aaron Tveit ne jouait pas ce soir là, j’aurais été le chercher chez lui pour le traîner sur scène. Bien sûr que j’avais la boule au ventre avant de rentrer dans le théâtre parce que je savais qu’il y avait toujours une possibilité qu’il soit off. Bien sûr que c’est son nom que j’ai cherché sur le castboard à peine rentrée. Bien sûr que j’ai poussé un soupir de soulagement qui a dû s’entendre en Californie quand j’ai vu qu’il était là. Et si cela avait été le contraire ? J’aurais été dégoutée. Il est possible que j’en aurais pleuré de rage et de dépit, surtout après l’épisode d’Assassins. Est-ce que j’aurais demandé à me faire rembourser ? Certainement pas ! Je serais allée voir le show quand même et probablement que j’aurais été complètement subjuguée par Aaron Finley ou Dylan Paul. Ou peut être pas. Et oui, évidemment que j’aurais repris un ticket pour le lendemain pour essayer de voir Aaron quand même :D


Ce que je veux dire, c’est qu’on a le droit de se sentir déçu, mais en aucun cas de faire preuve de méchanceté ou d’irrespect, aussi bien envers la doublure que le.la titulaire qui est absent.e pour telle ou telle raison. Et quel que soit le degré de déception, il faut essayer de le dépasser, car c’est se donner la chance d’avoir un coup de cœur pour un artiste à côté duquel ou de laquelle on serait passé sans ça …


Et vous ? Avez-vous déjà vu une doublure sur scène ? Content.e, déçu.e ? Racontez-moi tout !!

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